Source image : https://esmer-benin.org/home/wp-content/uploads/2015/08/comprendre_les-enr.jpg

Avec la crise énergétique qui s’annonce – ou tout du moins, que tout le monde prévoit –, de nombreuses mesures ont été annoncés, notamment par les États. Alors qu’une partie de la population ne se chauffait déjà pas suffisamment pour limiter au maximum sa consommation d’énergie et baisser le prix de ses factures, une partie de la population devra racheter des pulls et se faire rhabiller pour l’hiver.

 

La transition énergétique porte assez bien son nom : on passe d’un système A à un système B et l’évolution se doit faire sur un temps suffisamment long pour empêcher – ou du moins limiter – les couacs qui pourraient arriver. Et avec la hausse soudaine de la production à la suite de la sortie de crise du covid-19 – du moins, telle que décidée par les États[1] –, la demande en énergie n’a cessé de croître. Avec la canicule de cet été, qui a entraîné l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires en Europe en raison de la température élevée de l’eau douce, et la poursuite de la guerre en Ukraine, on ne peut pas dire que tout roule exactement selon la Stratégie Energétique 2050 telle qu’acceptée par le peuple en 2017. Et bien que le Conseil fédéral s’alarme sur une potentielle pénurie d’énergie – sans distinguer s’il s’agirait d’une pénurie d’électricité ou de chauffage –, le Département fédéral de l’économie, de la formation et la recherche (DEFR) de Guy Parmelin, dont dépend l’approvisionnement énergétique, est relativement optimiste dans son analyse de la situation tout en préconisant certaines mesures[2] : dans son rapport hebdomadaire du 4 octobre 2022, il stipule que l’approvisionnement énergétique de la Suisse est assuré, que ce soit pour l’électricité, les produits pétroliers ou le gaz, dont les stocks européens s’élèvent à près de neuf dixièmes de leur capacité – ce qui est prévu par l’UE pour garantir un approvisionnement tout le long de l’hiver. Alors, qu’est-ce qui justifie une telle hausse des prix et une telle crainte de pénuries ?

 

D’abord, sur les prix : on pointe principalement la guerre en Ukraine, les conséquences inconnues de celle-ci ont alerté les producteurs, qui ont préféré augmenter les prix pour s’assurer une rentabilité de l’ordre de celle qu’ils connaissaient auparavant[3]. Néanmoins, la hausse du gaz commence à l’été 2021, l’augmentation prévue en 2023 n’étant qu’un « effet de rattrapage » : comme mentionnée plus haut, la reprise soudaine de l’économie après les principales mesures de confinement de la population a entraîné une hausse du prix du gaz, en raison de la diminution soudaine des stocks. La loi du marché qui se met en place, donc[4]. Pour compléter le tableau, l’arrêt de la moitié des centrales nucléaires en France cet été – dont six sont toujours éteintes – et la forte sécheresse, quoique les deux événements sont liés, ont causé une forte volatilité des prix de l’énergie. Et évidemment la guerre en Ukraine et le sabotage des gazoducs Nord Stream n’arrangent pas les choses.

 

Un peu partout en Europe, on demande aux gens de limiter leur confort cet hiver pour éviter d’une part la pénurie, d’autre part que leurs factures augmentent trop. Si plusieurs fausses informations ont circulé sur le fait que les ménages chauffant à plus de 19°C seront fliqués, il est assez surprenant de voir la réaction d’une partie de l’opinion populaire, en particulier des plus nantis, qui se targuent maintenant sur les réseaux sociaux d’avoir déjà baissé leur chauffage à 19°C et de mettre des cols roulés. En effet, les « personnes en situation de sobriété énergétique subie »[5] ont déjà limité depuis bien longtemps la température de leur chauffage – quand elles en ont la possibilité, ce qui n’est pas le cas dans des immeubles anciens et/ou vétustes – pour rentrer dans leurs frais. En particulier, les personnes précarisées subissent une triple peine : celle de devoir voir des guignols se pavaner en col roulé dans des bureaux tapissés d’or, celle de devoir quand même payer plus malgré leur consommation très limitée d’électricité et de gaz, et celle de devoir encore plus limiter leur consommation d’eau chaude. Pour rester sur l’exemple français, on sait qu’à Paris, les quartiers bourgeois ont tendance à consommer beaucoup plus d’énergie que les quartiers populaires[6]. Pourtant, les deux sont mis sur un pied d’égalité dans l’incitation à consommer moins.

 

Cependant, tout le monde doit faire un effort. Le dilemme se pose entre les ménages et les entreprises : dans le Canton de Vaud, la part de gaz naturel consommée par ces dernières représentent 34% du total, contre 42% pour les ménages et 22% pour le secteur des services[7]. C’est-à-dire que sur la totalité du gaz naturel utilisé, plus de la moitié l’est en-dehors du foyer. Si l’État de Vaud a déjà annoncé des limites de son côté, il semble plus compliqué de faire passer la pilule du côté des entreprises[8]. Cette situation se règlera dans l’urgence, mais il est difficile de voir comment il sera possible de supporter des risques de pénurie dans les prochaines années, avec des canicules qui deviendront de plus en plus fréquentes au fil des années, avec la potentialité d’un conflit russo-ukrainien qui dure et avec l’incertitude du marché européen.

 

S’il est impossible pour la Suisse d’être indépendante énergétiquement – même le nucléaire, qui produit beaucoup pour peu de moyens, nécessite des matières premières dont une bonne partie passe par… la Russie et l’Ukraine –, des efforts peuvent être faits : la limitation volontaire ne doit être que passagère, parce qu’on doit faire en sorte qu’on ait plus besoin d’utiliser autant d’énergie pour vivre et pour produire. Déjà, la modernisation des installations de chauffage et la rénovation des passoires énergétiques permettraient de réduire en partie la consommation d’énergie – et les prix. Ensuite, repenser les villes et les villages de manière à produire ce qui est ensuite consommer, par la biomasse, le solaire et ainsi de suite. De nombreux projets sont actuellement sur la table. Il ne manque qu’un peu de volonté politique pour les voir menés à terme.

              

 

[1] On voit depuis quelques temps une résurgence du nombre de cas et une surmortalité pendant l’été 2022.

[2] https://www.uvek.admin.ch/uvek/fr/home/energie/strategie-energetique-2050.html.

[3] https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-90237.html.

[4] https://viteos.ch/faq-augmentation-des-prix-du-gaz/

[5] https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/agnes-pannier-runacher-on-ne-demandera-jamais-a-des-francais-en-situation-de-sobriete-subie-de-faire-des-economies_VN-202210060484.html.

[6] https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/carte-sobriete-energetique-a-paris-on-consomme-beaucoup-plus-dans-les-quartiers-chics_54219336.html.

[7] https://www.vd.ch/themes/etat-droit-finances/statistique/statistiques-par-domaine/08-energie/approvisionnement-en-energie/.

[8] https://www.rts.ch/info/regions/vaud/13422827-vaud-annonce-une-limitation-de-son-chauffage-et-dautres-mesures-sur-lenergie.html.

Vous pouvez suivre nos prochains articles en vous abonnant à notre site (sur le côté de la page) ainsi que sur nos réseaux sociaux : Facebook, Twitter et Instagram.

N’hésitez pas à partager nos articles ou à y réagir !

Vous pouvez aussi nous proposer des idées pour nos entretiens ou nos tribunes.