Source image : couverture du livre de David Teuscher, Vers les Etats-Désunis ?, Ed. Perspectives libres, 2022.
Les midterms états-uniennes sont enfin passées. Cela faisait deux ans qu’elles étaient annoncées et attendues. Nous pourrons enfin attendre et annoncer l’élection présidentielle. À entendre le nombre de réactions et l’intérêt suscités par ces élections, on pourrait croire qu’elles concernaient notre propre Cité, mais il n’en est rien. Du moins officiellement. Bien entendu, de manière moins institutionnalisée mais tout aussi réelle, l’union de l’Occident sous l’empire américain explique cet intérêt passionné. Régis Debray proposait que la France devienne un nouvel état des États-Unis, pour pouvoir enfin voter aux élections présidentielles et être le centre de l’intérêt de tous les médias pour savoir de quel côté elle pencherait. La proposition reste en vigueur. Cela justifierait plus amplement les réactions si fortes aux résultats d’élections censées être étrangères.
J’avais déjà évoqué le poids de l’américanisation dans une brève, je ne vais pas me répéter. Je rajouterai simplement que la compréhension profonde de la mentalité américaine reste étrangement obscure. Les États-Unis sont vilipendés pour leur rapport aux armes, au drapeau, à la race, leurs interventions militaires ou pour leurs exportations universitaires, mais tous ces éléments débouchent rarement chez les orateurs sur une volonté profonde de détachement du bloc américanisé.
Revenons plutôt sur les dernières élections. Il y a après tout quand même des choses à dire sur la situation américaine. Le pays demeure profondément divisé. Chacun des deux principaux camps partisans voit une menace pour le pays et pour la démocratie dans les intentions de l’autre cas – décadence et fraude électorale ou racisme et tentative de coup d’état. Cela révèle de profondes différences de valeurs et de définition de la situation de la société. Quant à la démocratie, tous les pays occidentaux connaissent des fractures concernant sa définition : pouvoir direct du peuple, qui se prononce directement sur des grandes questions ; ou respect des droits fondamentaux et des minorités via un pouvoir judiciaire fort, une importance des représentants et des participations de groupes de citoyens. Cette divergence de vues conduit à cette situation étrangère où tout le monde prétend défendre la démocratie contre ce qui la menace, mais où personne ne parle de la même chose. Le manque de monde commun qui résulte de ses tensions de visions crée des mondes séparés au sein même des communautés politiques occidentales, et au sein des États-Unis particulièrement. Certains pensent même deviner des risques de sécession – plus ou moins violente – de l’autre côté de l’Atlantique.
Ce dernier scénario représenterait évidemment un risque pour une grande partie des pays du monde, de part l’importance des États-Unis dans l’économie mondiale. Au niveau social, la dislocation des maîtres risqueraient de plonger d’autres pays dans de grandes tensions, par suivi des divisions américaines. Ceci est la principale raison justifiant de garder un œil sur la politique d’outre-atlantique.
La seconde, qui dépend toujours de l’influence des États-Unis sur le pays auquel nous appartenons, est ce que les Américains choisiront de faire de l’empire. Poursuivront-ils le rêve impérial ou reviendront-ils dans une logique purement national ? L’avenir le dira. Nous ne pouvons qu’espérer, pour eux et pour nous, qu’ils choisiront la seconde option. Sinon, ils y seront certainement contraint. Dans tous les cas, il conviendra de se détacher de ce bloc occidentalisé – surtout s’il doit s’effondrer.