Source de l’image : https://www.cnbc.com/2022/11/03/increasingly-dissatisfied-voters-favor-getting-a-third-party-choice.html

Quelle nuit ! Alors que ces élections de mi-mandat devaient signer une défaite lourde pour les Démocrates et une large victoire pour les Républicains, leur ouvrant la porte à un landslide pour l’élection présidentielle de 2024, la chaîne de télévision américaine MSNBC projetait, à minuit le soir du 8 novembre, que le GOP remporterait la Chambre des Représentants, la Chambre basse du parlement américain – le Congrès –, avec 219 sièges, un siège au-dessus de la majorité absolue qui est de 218 sièges, et une marge d’erreur de… 13 sièges[1]. Et même au Sénat, alors que les Républicains n’avaient besoin que d’un petit siège supplémentaire pour y remporter la mise – les sièges démocrates du Nevada, de Géorgie et d’Arizona étaient décrits comme étant « en danger » par la plupart des médias –, les Démocrates se permettent le luxe de conserver leurs sièges au Nevada – de justesse – et en Arizona – assez largement – en plus de remporter le siège républicain en Pennsylvanie, leur garantissant une majorité au Sénat malgré le 2nd tour organisé demain 6 décembre en Géorgie entre le Démocrate sortant Raphael Warnock et son challenger Républicain Herschel Walker. Et si les Républicains finissent par remporter la Chambre plusieurs jours après la fermeture des bureaux de vote, leur victoire sera probablement de 222 sièges à 213, bien en-deçà de leurs espérances et de la moyenne pour des élections de mi-mandat, en plus de se jouer sur moins de 15 000 voix dans tout le pays.

 

Victoire partielle pour les Démocrates donc, qui conservent le Sénat avec au moins 50 sièges sur 100 – la vice-présidente Kamala Harris officiant également en tant que présidente du Sénat, elle a le pouvoir de trancher une égalité – et perdent à peine moins d’une dizaine de sièges à la Chambre des Représentants, alors que la cote de popularité du président Biden est au ras des pâquerettes et que l’inflation est galopante aux États-Unis à environ 8% en octobre de cette année[2]. Une prouesse surtout, alors que le président Trump avait perdu une quarantaine de sièges lors de ses élections de mi-mandat, tout en gagnant trois sièges au Sénat. La raison de cette défaite au Sénat et ce faible score à la Chambre pour les Républicains ? La victoire, lors des primaires, de plusieurs candidatures trumpistes, dans des districts qui, sans lui être défavorables de base, ont été parfaitement décontenancés par ses agissements et ses propos sur une supposée élection qui lui auraient été « volée » en 2020. Un exemple est marquant : c’est celui du 3e district du Colorado, réputé quasi imperdable pour les Républicains, son indice de vote étant de 7 points supérieur à la moyenne nationale, en faveur du GOP ; Trump l’avait emporté de six points dans ce district. En 2020, la trumpiste Lauren Boebert l’avait également emporté de six points ; cette année, elle l’emporte avec 50.1% des voix contre 49.9% pour son adversaire démocrate… alors que la redéfinition des frontières du district le rendait plus républicain qu’avant. Ce revirement de situation est tel que le New York Times avait commencé la projection de ce siège avec 17 points d’avance pour Boebert, avance qui n’a cessé de s’effondrer au fil de la nuit pour finir à 0.7 point d’avance [3].

 

Si la majorité au Sénat est conservée, les Démocrates ont pour autant intérêt à faire un bon score lors du deuxième tour en Géorgie qui aura lieu demain : la situation 50-50 les oblige en effet à partager la présidence des commissions sénatoriales, qui peuvent avoir une grande influence sur la politique menée par Washington. Cette égalité nécessite aussi que, sur les projets controversés, la totalité des élus du parti de l’âne votent en faveur du projet ; or, on a vu sur les nombreux investissements écologiques lancés par Joe Biden le sénateur Joe Manchin de la Virginie-Occidentale et la sénarice Kyrsten Sinema de l’Arizona être réticents à l’idée de voter ce genre de textes. En particulier, Joe Manchin, réputé pour être un centriste dans un État profondément républicain, est également financé par les lobbies du pétrole. Dans ce genre de cas, difficile de faire reposer l’équilibre et la majorité voulue par la Maison-Blanche sur le vote à une seule voix de tous les sénateurs – à moins d’aller en chercher dans le camp adverse. Aussi, une majorité au Sénat à 51-49 permettrait à Biden de souffler un peu et de passer une partie de son budget et de ses lois, tandis qu’il laisse les Républicains lancer des enquêtes dans tous les sens sur son fils et que les éléments les plus radicaux se font bruyamment remarquer, décrédibilisant un peu plus le GOP.

 

Paradoxalement, si les éléments les plus radicaux du trumpisme ont été balayés de pratiquement tous les postes électifs – en tout cas ceux de la certification des résultats, à l’image de Kari Lake en Arizona, battue de 0.6 point alors que la moyenne des sondages la plaçait par deux ou trois points en tête[4] – à l’exception notable du Républicain J.D. Vance, brillamment élu sénateur de l’Ohio, ce sont les modérés du parti démocrate qui ont été battus, notamment à New York où la campagne catastrophique de la gouverneure sortante a permis à son adversaire d’obtenir 47% des voix. Dans l’État de New York, oui. Une des causes avancées pour ces résultats est la participation en forte hausse des moins de 30 ans dans plusieurs États : on sait que, dans une bonne partie des pays occidentalisés, l’électorat jeune est le plus volatile et le plus abstentionniste, mais il sait se mobiliser en masse et échapper facilement au regard des sondeurs, qui dans plus d’un État sont à la ramasse. Et ça n’a pas traîné : plusieurs Républicains, battus alors qu’ils devaient gagner… ont réclamé une hausse de l’âge requis pour voter. Sans doute pas le meilleur plan pour espérer les faire venir au GOP. Plus globalement, peut-être que les américains en ont marre de voir à chaque élection des Républicains hurler au vol, alors que faire campagne seulement sur le fait que Trump a remporté l’élection et qu’il y a eu des fraudes est peut-être une raison plus concrète et cohérente pour les voix manquantes que de vraies fraudes de la part des Démocrates – surtout dans des États où ils ne sont pas gouverneurs.

 

 

[1] https://youtu.be/zoLmweDMzhY?t=17639

[2] https://tradingeconomics.com/united-states/inflation-cpi

[3] https://www.nytimes.com/interactive/2022/11/08/us/elections/results-colorado-us-house-district-3.html

[4] https://projects.fivethirtyeight.com/polls/governor/2022/arizona/

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