Réfléchissons un peu sur le lien entre souveraineté et identité. Je sais, il faudrait définir précisément les deux termes, ce qui mériterait deux articles complets, que je n’ai pas encore écrit. Que voulez-vous, l’inspiration est ce qu’elle est… Veuillez me pardonner ce manque d’ordre. S’il faut tout de même dire quelque chose, pour ce qui nous occupera ici, nous nous contenterons de garder l’idée générale et un peu basique que la souveraineté est la capacité, pour une collectivité [1], de décider librement des choix à suivre ainsi que de les appliquer, tandis que l’identité regroupe ce qui définit une collectivité particulière et qui la différencie, ou la rapproche parfois, des autres. Quel lien peut exister entre ces deux concepts ? Ne gagnent-ils pas à être articulés plutôt que séparés ?

 

Imaginons tout d’abord l’identité sans la souveraineté. À quoi mène la volonté de défendre son identité sans défendre sa souveraineté ? Cela revient à se priver des moyens de défendre cette identité, car c’est la souveraineté qui les offre à une collectivité. Ou plutôt, c’est confier ces moyens à d’autres. C’est accepter que le maintien de notre identité dépende des autres, de nos maîtres en fin de compte. Cela affaiblit notre identité, ses particularités et sa défense. D’autant plus que ne pas être souverain, signifie généralement être membre, ou soumis, à un autre ensemble, plus vaste, qui possède une autre identité et risquera de nous l’imposer.

Si l’on veut trouver des exemples de ce à quoi mène la séparation entre identité et souveraineté, au mépris de cette dernière, nous pouvons nous tourner vers ceux que l’on peut qualifier – à défaut de meilleur terme et pour les différencier des mouvements souverainistes – d’identitaires. Ils souvent parmi les derniers à croire en l’Europe, avec les fédéralistes et les internationalistes. Quand ils ne défendent pas l’Occident – oubliant la domination culturelle américaine sur les pays dont ils veulent défendre l’identité. Le cadre national les intéresse peu, voire pas du tout. Ils refusent les spécificités de cette collectivité et croient dans des ensembles européens ou occidentaux, défini au choix selon l’héritage chrétien, païen, ou la race blanche. Cela les conduit à minorer l’opposition à l’Union européenne ou à croire dans l’avenir glorieux du groupe de Visegrad [2]. Alors que demeurer dans l’UE, ainsi que quelques autres institutions supranationales, empêchera d’appliquer le programme qu’ils réclament – par exemple concernant l’immigration. Savoir si ces propositions, qu’il faudrait détailler, sont bonnes ou mauvaises est un autre débat, mais si l’on se place du point de vue de ces groupes, on aboutit à une contradiction flagrante entre leurs ambitions et les moyens qu’ils sont prêts à se donner. Ainsi, défendre son identité mais refuser le combat de la souveraineté, c’est la défendre sans s’en donner les moyens. C’est-à-dire ne pas être bien efficace. [3]

 

La souveraineté sans identité, maintenant. On peut l’imaginer. Certains groupes classés plutôt comme souverainistes de gauche manifestent effectivement plus de résistances à parler d’identité que de souveraineté. Mais quel est l’intérêt d’être souverain si c’est pour faire exactement comme tous les autres, sans accorder nos actions à nos spécificités ?

La souveraineté n’est pas une fin en soi, mais un moyen – ce qui ne veut pas dire que l’on ne peut pas s’accorder pour défendre la souveraineté d’abord, pour discuter de ce qu’il faut en faire dans un second temps. C’est un moyen de faire ce que l’on veut, de décider pour nous-même, de suivre notre voie, de nous permettre de nous fixer un objectif commun à atteindre. Celui-ci est propre à notre collectivité, nous le définissons, par rapport à ce que nous sommes et voulons. Revenons sur cette dernière phrase et identifions ce qui relève de l’identité et de la souveraineté. L’identité se retrouve dans la concentration sur notre collectivité, car la définition de la collectivité et son identification se font, en partie au moins, par rapport à son identité, ses particularités. Elle se retrouve aussi dans le fait que nous ne choisissons pas un objectif au hasard, mais qu’il doit être lié au point où nous sommes arrivés à un moment donné, ainsi qu’à l’horizon que nous nous donnons à partir de là. Enfin, la souveraineté est présente évidemment dans le fait que nous définissons, et non quelqu’un d’autre.

La souveraineté est, entre autres, un moyen d’affirmer son identité, de se perpétuer, dans sa voie. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas s’inspirer de ce qui se passe ailleurs, mais pas sans l’adapter à nos formes particulières. Être souverain n’oblige pas à faire autrement, comme personne, mais cela le permet, le rend possible. Il n’est pas forcément très logique de se donner les moyens de fixer nos propres objectifs et de les atteindre tout en renonçant à se permettre de suivre une voie spéciale, qui nous correspond. Cela revient à renoncer à certains objectifs spécifiques qui nous sont justement accessibles par les moyens de la souveraineté.

 

 

[1] J’utilise le terme de « collectivité », à défaut d’en avoir encore trouvé un meilleur, pour qualifier l’ensemble des groupes politiques humains. Le terme me semble suffisamment large pour recouvrir l’ensemble des cas – contrairement à celui de « nation » par exemple.

[2] Pour une petite analyse du groupe de Visegrad : https://www.youtube.com/watch?v=VwZtLLbLBbM

[3] Je préviens une remarque justifiée : il est vrai que je parle principalement de la souveraineté nationale alors que, comme je l’ai dit, certains de ces groupes n’attachent pas à la nation une importance fondamentale. Ils n’ont donc en toute logique pas à la défendre particulièrement, pour se concentrer sur d’autres communautés. Cette affirmation, toute vraie qu’elle soit, souffre de deux oublis : d’abord, la question de l’existence des communautés auxquelles ils se rattachent, qui mériterait pour le moins d’être débattue ; ensuite, comme je l’ai mentionné, l’exemple de leurs mesures migratoires illustre les problèmes de réalisation causés par leur manque de défense de la souveraineté nationale.

Je rajoute une petite illustration de ces pro-européens (première minute). Si je ne suis pas totalement convaincu par l’analyse qui suit sur le nationalisme, la vidéo offre également un angle d’argumentation sur le sujet du patriotisme européen : https://www.youtube.com/watch?v=SXztauK1Yv8