D’abord utilisé par un Parti socialiste hésitant à se positionner, avant que la dernière Assemblée des Délégué-e-s ne renverse la table et appelle à voter « non » à l’accord de libre-échange entre l’Indonésie et l’AELE, l’argument du « premier accord de libre-échange à être progressiste » est avancé de toute part pour mettre en avant les nouveautés qui ont été introduites dans cet accord et qui n’étaient présentes dans aucun autre texte auparavant. Mais un accord de libre-échange peut-il être progressiste ? Décryptons le texte à voter au-delà des jolies affiches payées par la bourgeoisie.

 

Lorsque le débat sur un accord de libre-échange entre la Suisse et le Mercosur – marché commun regroupant plusieurs pays d’Amérique latine – avait été entamé il y a un peu moins de deux ans, des voix de la gauche et de la droite s’étaient élevées contre cette idée, au vu de la destruction de la forêt amazonienne et de la spoliation des terres des petits agriculteurs au profit des multinationales de l’industrie agro-alimentaire. En négociation pour le moment, le Conseil fédéral et une partie de l’aile progressiste du Parlement – entendez par là de l’aile gauche du PLR à l’aile droite du PS – compte sur l’acceptation de l’accord de libre-échange avec l’Indonésie pour pousser les accords de libre-échange en faveur d’une autre politique commerciale.

 

Mettons les choses au clair : cet accord, contrairement à beaucoup d’autres, possède deux chapitres entiers sur la protection de l’environnement et celle des travailleuses et des travailleuses. Si c’est une très bonne nouvelle, cela ne réduit pour autant pas les désavantages qu’avancent les autres chapitres de ce traité. Sur le plan purement formel, ces chapitres arrivent à la toute fin du traité et sont beaucoup plus courts que les autres ; en particulier, on trouve avant cela tout un passage sur les brevets et la protection de ceux-ci, mais également une obligation de libéraliser le marché bancaire et une partie des services publics. En cas de violation des droits de l’homme, il n’est ainsi par garanti que le juge n’appliquera pas le texte « à la lettre » : que les brevets sont hiérarchiquement plus importants que la protection des biosphères ou des employés des sites. En outre, le dumping salarial reste autorisé, les parties n’étant pas contraintes à lutter contre selon l’article 2.15 du traité.

 

Une large partie de l’argumentaire référendaire repose sur l’impossibilité d’avoir une huile de palme durable : si seule l’huile de palme certifiée RSPO sera autorisée à être exportée vers la Suisse – dont l’Indonésie ne concerne que 3% du total de l’huile de palme utilisée dans le pays –, ça ne veut pourtant pas pour autant dire qu’elle sera durable. Avant sa révision en 2018, plusieurs cas de faux ont été relevés, où de l’huile de palme non-durable était certifiée durable dans les produits finis. Par ailleurs, peut-on vraiment certifier durable une huile dont la production nécessite des expropriations massives et la destruction de sols qu’impose une productivité élevée ? Rien n’est moins sûr.

 

Cet accord n’est en réalité pas progressiste et consiste simplement en du capitalisme vert : on ajoute un chapitre entier sur l’écologie, mais qui ne pourra être appliqué et sera toujours les intérêts des multinationales ; ceci sans compter les conditions de travail déplorables en Indonésie. La bourgeoisie crée des traités à son intérêt : aucun traité de libre-échange ne pourra être progressiste tant qu’il n’aura pas été créé par les travailleuses et les travailleurs. Et il n’est pas certain que ces travailleuses et travailleurs souhaitent la concurrence internationale…