199. Il ne s’agit pas d’un numéro sorti d’une obscure liste d’objets, mais bien du total de sièges supplémentaires remportés par les Vert·e·s lors des élections communales vaudoises de ce 7 mars 2021. Présent dans plusieurs seconds tours dans les grandes communes – Lausanne, Morges, Vevey, Montreux, Yverdon-les-Bains, etc. –, le parti écologiste a réalisé un véritable tour de force en permettant à la gauche de remporter plusieurs villes qu’elle avait perdue dans les cinq ou dix dernières années. Retour sur ce dimanche électoral et ses conséquences.

 

C’est avec 427 sièges dans les législatifs que les Vert·e·s vaudois·es aborderont ce début de législature 2021-2026, à compter du 1er juillet[1]. Que l’on aime ce parti ou non, il faut reconnaître que leur score est plus qu’impressionnant, en particulier en plein milieu d’une pandémie mondiale qui aurait pu – et dû – profiter au Parti socialiste, beaucoup plus perçu comme étant le spécialiste des questions sociales et de santé. Il s’agit aussi et surtout d’un record pour le parti vert, moins de deux ans après leur succès aux élections fédérales et leurs dix-sept sièges supplémentaires.

 

Plus globalement, la gauche l’a emporté dans plusieurs villes dimanche dernier : elle remporte Nyon au 1er tour avec un Conseil communal à 50 sièges de gauche sur 100 et 4 candidats de gauche déjà élus à la Municipalité ; elle regagne Yverdon-les-Bains qu’elle avait perdu en 2014 avec trois personnes élues dès le premier tour à la Municipalité (Pierre Dessemontet et Brendua Tuosto pour le PS, Carmen Tanner pour les Vert·e·s) ; elle fait basculer Montreux en y obtenant 50 des 100 sièges et remportant un siège à la Municipalité et en plaçant le ticket rose-vert en tête avec une marge de plus de 5’000 voix sur le premier PLR, qui arrive 6e ; elle progresse à Vevey en obtenant 48 des 100 sièges du Conseil communal et en plaçant quatre personnes dans les sept premiers – dont trois de décroissances alternatives – et en présentant un ticket uni au second tour ; même à Lausanne, la gauche remporte des sièges supplémentaires au Conseil communal et accroît sa majorité de 61 à 66 sièges[2].

 

Cependant, les Vert·e·s ne prétéritent pas beaucoup le Parti socialiste ; à quelques exceptions près, leur progression n’entame qu’assez peu leur nombre de sièges, à l’image de Montreux où les Vert·e·s gagnent quatre sièges et da. fait son entrée avec sept sièges, mais le PS conserve ses 28 sièges. Ici particulièrement, la chute de la droite se fait ressentir avec le PLR qui perd neuf sièges et l’UDC trois[3]. Lausanne fait figure d’exemple où le PS ne perd « que » quatre sièges alors que les Vert·e·s et Jeunes Vert·e·s en gagnent sept et la coalition Ensemble à Gauche en gagne deux. À cette occasion, le PLR devient le troisième parti de la capitale vaudoise, les Vert·e·s leur passant devant[4]. Un bémol évident dans cette journée positif pour le parti écologiste : sinon la sortante Natacha Litzistorf – qui accuse tout de même douze points de retard sur David Payot, 4e du ticket PS-POP –, le ticket vert est mal en point à la Municipalité, Daniel Dubas et Xavier Company arrivant derrière le sortant PLR Pierre-Antoine Hildbrand, 6e du premier tour.

 

Si leur succès dans les Conseils communaux est incontestable, celui dans les Municipalités est moindre, quoiqu’honorable : l’exemple de Lausanne est évidemment le plus typique. Arrêtons-nous quelques instants dessus.

 

On l’a dit, les Vert·e·s lausannois·es ont perdu leur pari : s’ils deviennent le deuxième parti de la capitale, leur ticket largué à moins de 30% des voix au premier tour est une douche froide. Alors qu’ils se voyaient déjà occuper trois des sept sièges de la Municipalité – peut-être avec un POP et deux PS, on ne le saura jamais –, ils ratent le coche et sont résignés, pour le deuxième tour, à se présenter sur le ticket d’alliance de la gauche, comme les années précédentes. Rétrospectivement, partir avec un ticket distinct était une mauvaise idée, mais sans doute peu de personnes auraient pu prédire un si mauvais score de la part de la section locale du parti au tournesol, dans une ville pourtant habituée à voter à gauche, voire très à gauche. L’anticapitalisme quasiment affiché par certaines personnes auraient pu les porter bien plus, dans un contexte où le lien entre la pandémie et le système de production capitaliste – et surtout ses dérives – sont de plus en plus évoqués, mais ça n’a pas été le cas. Trop arrogants, les Vert·e·s ? Peut-être. En tout cas à Lausanne.

 

Pour autant, le pari n’était pas mauvais, mais il était biaisé. On a observé des vagues vertes assez fantastiques dans plusieurs cantons au cours des différents renouvellements des autorités ; pourquoi pas au point de conquérir la 4e ville de Suisse ? Visiblement, à l’image d’un siège au Conseil fédéral, cette étape était de trop. Pour le moment en tout cas. Le danger est cependant grand à Lausanne, avec le choix de Xavier Company plutôt que Daniel Dubas comme candidat au 2e tour, de voir le deuxième siège écologiste être pris par la libérale-radicale Florence Bettschart-Narbel, Pierre-Antoine Hildbrand étant quasiment assuré de sa réélection à l’exécutif lausannois. Plusieurs deuxièmes tours vont pour autant voir l’élection de Vert·e·s, quoique leur succès sera sans doute moins flagrant qu’au premier tour.

 

Deux objectifs, sur Vaud, se dessinent déjà : d’abord, le renouvellement des autorités cantonales en 2022 et le contrôle du Grand Conseil, où la droite possède actuellement 74 des 150 sièges, mais également sur le Conseil d’État, à majorité de gauche mais avec trois PS pour une Verte. Avec l’échec cuisant de Lausanne et le retournement de situation qui a suivi, il n’est pas impossible que seules deux candidatures vertes soient lancées au premier tour, voire un ticket entier mais avec des négociations avec un PS en position de force au deuxième tour. Cap suivant : 2023 et les élections fédérales. Avec l’effritement progressif du PLR – qui s’est confirmé lors de ces élections communales et dans les autres Cantons – et si la vague verte se stabilise sans retomber, la discussion sera alors réouverte d’une modification de la formule magique. Et à ce moment-là, les élus du bloc bourgeois qui exigeaient la stabilisation de leur électorat seront pris à leur propre jeu : eux pourraient continuer à voir leur influence diminuer, tandis que celle des Vert·e·s se révèlerait de plus en plus. Jusqu’à devoir accepter de céder un siège – probablement le deuxième siège PLR – au profit des Vert·e·s.

 

Les deux prochaines années, pour les partis de gauche, s’annoncent beaucoup plus optimistes qu’au milieu de la dernière décennie. Il reste à savoir si la gauche progressera ensemble ou au détriment de l’une de ses composantes et de quelle manière la droite et le centre vont tenir face à cette vague verte qui, en définitive, ressemble à s’y méprendre à une vague de gauche.

 
 

[1] https://vert-e-s-vd.ch/blog/communique-de-presse/ecvd21-veritable-raz-de-maree-vert-sur-les-communes-vaudoises

[2] Tout ce qui précède est tiré de la page du Canton de Vaud pour les élections communales (https://www.vd.ch/themes/etat-droit-finances/votations-et-elections/elections-communales-generales-2021/)

[3] https://www.24heures.ch/surprise-a-montreux-la-gauche-sort-en-tete-398665058083

[4] https://twitter.com/wahlforschung0/status/1368952926673268743