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L’éducation revient périodiquement dans les débats politiques. La France est certainement un exemple extrême d’un pays où la thématique revient à rythme régulier. Mais le canton de Vaud est depuis quelques temps au cœur de nombreux débats lui aussi : Projet 360, changement à la tête du département suite aux dernières élections ou réforme fédérale du gymnase. Toutes ces actualités offrent l’occasion de réfléchir plus fondamentalement sur ce que doit faire l’école.

Pour savoir que faire de l’école, j’avais entendu une position disant qu’il fallait d’abord savoir quelle vision de l’homme on avait et quelle vision anthropologique l’école devait former. Étant assez convaincu par l’argument, je me dois de définir cette vision de l’homme, qui est évidemment soumise à débat. À mon sens, l’école doit avoir comme mission de former des citoyens.

L’école doit pour ce faire évidemment apprendre les connaissances de base d’écriture, de lecture ou de calcul, essentielles pour pouvoir se débrouiller et poser les bases d’une réflexion, elle-même nécessaire pour la participation aux débats de la Cité – ou corps politique. L’esprit critique – la science pouvant participer à cela de même que l’analyse littéraire – et la culture générale sont des points essentiels pour créer des esprits capables de participer au forum démocratique et d’utiliser leur raison. Quelques notions de rhétorique pourraient aussi être utiles pour permettre à tous de participer au débat public. L’école doit aussi faire connaître la Cité à ses futurs citoyens. L’histoire, la géographie et les institutions sont ainsi des éléments essentiels à transmettre. On ne peut pas demander à quelqu’un d’aimer ou de se sentir appartenir à une communauté qu’il ne connaît pas.

L’école, notamment dans la connaissance de la Cité, peut aussi participer au processus d’assimilation des immigrés. Un autre rôle doit être de permettre de fournir les mêmes connaissances générales et culturelles à toutes les classes sociales. Les plus fortunés ayant les moyens d’apporter ces connaissances à leurs enfants, l’école doit s’assurer que les classes défavorisées auront accès au même niveau culturel. Il convient de préciser que l’objectif est bien de monter l’ensemble de la population au meilleur niveau culturel possible et non de ne plus apprendre ces connaissances aux plus pauvres sous prétexte qu’il n’existerait pas de différence de qualité entre les œuvres ou en appliquant mal les conclusions bourdieusiennes, c’est-à-dire en voulant arrêter d’enseigner les œuvres valorisées par la bourgeoisie.

L’école, à l’inverse, ne doit pas connaître une politisation des enseignements qui voudrait transmettre aux élèves ce qu’il faut penser plutôt que les moyens de penser. Elle ne doit pas non plus ouvrir les bras aux ingérences d’entreprises et devenir une productrice de salariés productifs, moulés en homo economicus. Cela ne veut pas dire qu’il faut dévaloriser l’apprentissage. Bien au contraire, tout le monde n’est pas destiné à suivre des études supérieures, les métiers liés à l’apprentissage sont souvent très légitimes et utiles socialement. L’objectif doit être que tous puissent avoir un bon niveau culturel et réflexif, même en ayant un métier manuel – ce qui ne convient pas au modèle du consommateur capitaliste.

Concernant les études tertiaires et l’augmentation des diplômés de ce niveau, les analyses d’Emmanuel Todd sont enrichissantes. Il analyse le processus de démocratisation en Europe suite à la diffusion de l’éducation. En revanche, l’augmentation des études supérieures, qui se bloque dans les pays occidentaux à un peu moins d’un tiers de la population, créerait une classe séparée qui pourrait vivre entre elle et ne se parler qu’à elle-même – contrairement à la situation où quelques pourcentages de la population ont ce niveau d’éducation, ce qui les oblige à s’adresser à toute la population. Cette fracture créant une rupture du sentiment démocratique. Todd analyse aussi ce qu’il nomme des « crétins diplômés », qui se multiplieraient par mimétisme et méthodes de recrutement. Ces derniers pourraient aussi avoir un fort sentiment de supériorité et de mépris vis-à-vis du reste de la société, comme ils sont censés être les meilleurs. Toutes ces réflexions et recherches méritent aussi d’être sérieusement prises en compte pour mener des réflexions sur l’éducation. Les points évoqués précédemment sont certainement des débats plus fondamentaux et nécessaires que le besoin d’uniformiser les années de gymnase.

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