La tolérance aujourd’hui est souvent vue comme une vertu. Les anciens la considéraient comme une valeur neutre, d’autres même comme un frein à l’avancée de notre société sur le plan moral. Dans nos sociétés occidentales au paysage multiculturel acculturé, la tolérance est placée comme vertu cardinale. Aujourd’hui cependant nous n’allons pas discuter le principe de tolérance en tant que tel et prendre pour acquis qu’au moins certains de ses aspects sont vertueux ou qu’il est possible d’en faire bon usage. En effet je pense qu’on pourra tous, (ou au moins une majorité d’entre nous) facilement s’accorder qu’il n’est pas souhaitable de rejeter pour des caractéristiques physiques extérieures et contingentes toute une catégorie de personne. Cela étant c’est précisément de ce que je viens de faire par ma phrase précédente que nous allons parler. En bref, parlons de l’intolérable et de comment le catégoriser.
Chaque position politique qu’on préfère à une autre implique l’existence d’une position différente qui est rejetée d’emblée, souvent inspirant maintes émotions négatives entre dégoût et colère « justifiée ». Nous postulerons dans la suite de cet article qu’il existe en effet des positions politique intolérable, que ce n’est pas « qu’une question de point de vue ». Nous admettrons également qu’il existe des tentatives dans tous les mouvements politiques de plonger leurs opposants dans ce puits de la honte.
Qu’est-ce qui permet d’établir qui mérite réellement un tel jugement, qui se trouve à la limite et qui est acceptable ? Plusieurs critères pourraient exister. Le premier critère serait le critère commun, qu’on prétend le plus souvent appliquer : l’appel à la violence comme séparation entre mouvements justes et mouvements intolérables. Cette distinction est pratique du moment que si personne ne fait preuve de mauvaise foi elle est facile à appliquer. Si quelqu’un incite une agression contre ou agresse elle-même une ou un groupe de personne alors, ce quelqu’un ne devrait ne pas avoir sa place dans la sphère politique. Pratique et simple. Cette vision simpliste à pourtant ses défauts, le premier étant que cette vision ne peut pas être appliquée universellement. Dans de nombreux cas à travers le monde il serait envisageable que des groupes relativement minoritaires soient contraint d’utiliser la force pour subsister ce qui à l’échelle d’un groupe de résistance à la tyrannie implique forcément de devoir parfois passer à l’offensive. Un deuxième défaut de cette perspective serait les dérives interprétatives que subissent les termes de « violence » et « agression ».
Cela m’amène à la notion d’appel à la haine. Ce critère, dérivé du premier ne nous sauve pas de par son manque de clarté. Si une insulte ou une offense verbale suffit pour considérer quelqu’un d’haineux ou violent alors on ne peut pas s’attendre à ce que ce standard soit appliqué de façon uniforme à tout les groupes politiques car certaines insultes sont plus violentes que d’autres et le critère utilisé est souvent l’offense reçue/perçue plutôt que l’offense objective. L’offense objective étant pratiquement non-mesurable (le contexte jouant parfois son rôle ou non), nous sommes dans l’embarras pour établir ce qui peut ou ne peut pas être toléré précisément. Les masses importantes d’individus représentant un groupe peuvent aussi servir de bouclier à des indésirables. N’oublions pas que nous parlons de groupes de plusieurs milliers et parfois millions de personnes. La masse de personnes est telle qu’un tri capable d’établir clairement lors d’éventuels incidents si ceux-ci démontrent l’intolérabilité de l’ensemble du groupe ou si le groupe contient juste quelques mauvaises graines est impossible. On peut difficilement blâmer plusieurs milliers de personnes pour les crimes de quelques abrutis.
Nous sommes donc dans une impasse et nos tentatives ouvrent d’autres avenues pouvant potentiellement poser problème. Qu’en est-il du pardon ? Jusqu’à quel type d’offense peut on pardonner et après combien de temps ? Laisser les groupes définir eux-mêmes ce qu’est l’intolérable n’est pas une solution entièrement souhaitable car cela peut (en plus du chaos généré par l’absence de réponse) laisser au plus fort ou au plus bruyant le pouvoir d’imposer sa volonté avec trop peu de questionnement et nous éloigne d’une perspective qui favoriserait vérité et justice en faveur d’un paradigme de jeux de pouvoirs sans sens. Si la solution ne se trouve pas dans l’élaboration d’un standard de meilleurs qualité plus juste et cohérent alors j’ignore où elle se trouve et craint les réponses erronées de certains.